samedi, juillet 14, 2012

Les Nœuds lunaires et le nectar d'immortalité


Les astrologues indiens ont sans doute plus étudiés et mieux compris que les autres la tête et la queue du Serpent qu’ils appellent respectivement Rahu et Ketu. On sait qu’il s’agit astronomiquement des Noeuds lunaires c'est-à-dire des intersections Nord et Sud de l’orbite lunaire avec l’écliptique, mais qu’étrangement, inexplicablement, ces points fictifs en constante rétrogradation jouent un rôle mesurable et remarquable dans la grande machine astrologique. 

Pour se poser quelques questions à ce sujet, lire entre autres Mohammed Merah et les Nœuds lunaires ou encore Les fêtes à l'ombre de Mars et de Ketu ou encore écouter le podcast Le véritable sens des noeuds lunaires  (disponible sur Spotify, Apple Podcast, Acast ou You Tube)

RAHU, la tête du Serpent
Selon le mythe Hindou Rahu et Ketu naquirent lors du barattage de la mer de lait, entrepris dans le but de générer l’amrit, c’est-à-dire le nectar d’immortalité. Cette légende est parsemée de nombreuses connotations et ses multiples niveaux de lecture - poétiques, mythologiques, symboliques, religieux, occultes, yogiques, astronomiques et bien entendu astrologiques - se multiplient à l’infini. 

On doit savoir par exemple que Garuda le roi des oiseaux se réfère au souffle et à son principe vital. Que Vasuki, le roi des serpents, représente la Kundalini. Que la grande tortue symbolise le chakra racine. Que Sudharshana chakra, l’arme de Vishnou en forme de disque fabriqué dans la matière du Soleil figure le zodiaque, la roue du temps et l’écliptique. La Lune de son coté est parfois appelée Soma, une référence à la boisson qui fut longtemps indispensable aux rituels védiques et que certains chercheurs associent au fameux nectar.

On trouve ainsi mêlés à cette histoire extraordinaire Shiva et Vishnou, les deux principaux visages de la Déité suprême, les dieux et les démons - bien éloignés des conceptions judéo-chrétiennes - dont les gourous sont respectivement Jupiter et Vénus, les luminaires bien sûr et la Voie Lactée (l’océan de lait). On voit naître ou plutôt renaître, mais ceci est un autre volet de cette mythologie hindoue qui semble n’avoir ni début ni fin, Lakshmi, la déesse de la fortune et de la beauté, les Apsaras, danseuses célestes expertes des arts de l’amour et compagnes favorites des dieux et de quelques humains particulièrement chanceux, ou encore Jyesthta dite l’aînée, déesse de la pauvreté et du malheur.

Rahu et Ketu sont des lieux étranges et mystérieux. L'astrologie karmique occidentale en a fait l'axe majeur de ses principes liés à la réincarnation, mais ils restent mal compris. Ce qui est certain est que de nombreux aspects les concernant, natals ou célestes, révèlent une indéniable synchronicité avec des circonstances spéciales, des évènements marquants, des rencontres déterminantes et souvent des destinées extraordinaires. 

KETU, la queue du Serpent
Ce conte initiatique dont il est ici question et qui expose une véritable cosmogonie astrologique nous éclaire sur les liens qui unissent les Nœuds lunaires obscurs, puissants et incontournables avec l’Amrit, le nectar d’immortalité, c'est-à-dire la réalisation de soi. 

Le point essentiel à comprendre est que les dieux qui représentent notre part spirituelle, sont incapables de produire seuls le nectar d'immortalité. Les démons, qui représentent nos soifs d'expériences et de jouissances matérielles sont indispensables à cette réalisation, ce qui nous éclaire sur le sens de notre vécu. L'on retiendra aussi que contrairement aux conceptions occidentales récentes - le noeud nord (Rahu, le dévoreur du Soleil et de la Lune) appartient aux démons et que le noeud sud (Ketu) appartient aux dieux. Pour cette raison Ketu, un mot qui signifie lampe, torche, splendeur, étoile filante, comète (...),  est associé à la Moksha, c'est-à-dire à la libération du cycles des morts et des renaissances. 

Le texte qui suit est un mélange concocté par mes soins de la version du Ramayana de Valmiki et de celle du Bhâgavata Purâna.


Les Devas
L'AMRIT.

En ce temps là, si les dieux comme les démons étaient mortels, ces derniers, grâce à un mantra capable de ressusciter les morts que détenait leur gourou prenaient régulièrement l’avantage dans les guerres incessantes qui les opposaient à leurs cousins.

Chassés du ciel, errant misérablement, les dieux et leur roi Indra se plaignirent d’abord à Brahmâ le démiurge créateur qui les envoya à Vishnou dont le rôle est de préserver la bonne marche des mondes.

Après qu'ils l'aient salué et loué de multiples façons, le Seigneur les conseilla ainsi :

- Ô Devas, pour atteindre son but, rien n’interdit de s’allier avec son ennemi. Une fois son dessein accompli, le sage imite le cobra captif d’un charmeur de serpents : il cultive l'amitié d'une souris afin qu'elle perce un trou dans son panier d'osier, mais une fois libre il la dévore! De même, assisté par les démons, vous fabriquerez l’amrit. Serait-il déjà captif des mâchoires de mort, celui qui porte ce nectar à ses lèvres accède à l’immortalité ! Pour ce faire vous récolterez et jetterez toutes les variétés de plantes et d'herbes dans l'océan de lait, que vous baratterez ensuite avec le Mont Mandara. Vasuki le roi des serpents servira de corde à baratter. Ayez foi en ma parole, les Asuras peineront à vos cotés mais ne récolteront pas le fruit de leurs efforts! 

- Ô dieux ajouta-t-il encore, vous accueillerez favorablement toutes leurs demandes, car la diplomatie est supérieure à la confrontation, mais vous-mêmes n'exprimerez ni désir ni envie pour les trésors qui surgiront de l'océan. De même vous ne montrerez aucune colère si vos cousins agissent différemment! Enfin, ne soyez pas effrayés par le poison qui se répandra sur la mer de lait, car Shiva le boira.

Ainsi avertis, les dieux rendirent humblement visite à Bali, le roi des Asuras. Installé sur un trône splendide, les bras rutilants de bracelets d'or, les oreilles ornées de boucles en forme d'alligator, le conquérant des trois mondes étincelait comme le feu des sacrifices. Malgré sa nature de démon il n'en était pas moins sage et n'ignorait pas qu'il est un temps pour la guerre et un temps pour la paix. Il accepta l’alliance momentanée.

Les travaux débutèrent. Hurlant vigoureusement dieux et démons soulevèrent le Mont Mandara puis tentèrent de l'amener à l'océan, mais les forces leur manquèrent. La montagne d'or retomba lourdement et dans sa chute brisa des jambes, des bras et des cous et écrasa nombre d'entre eux. Voyant cela, Vishnou se manifesta. Il ressuscita les morts et guérit les blessés, puis déposa la montagne sur le dos de l'aigle Garuda. Ainsi chargé, le premier de tous les oiseaux gagna l'océan de lait. Son travail accompli, l'aigle s'éloigna pour laisser la place à Vasuki le roi des Serpents, son ennemi mortel. Celui-ci fut enroulé autour de la montagne mythique.

Les dieux prirent place du coté de la tête de Vasuki, mais Bali les critiqua amèrement : 
- Nous les Asuras protesta-t-il, qui maîtrisons les Vedas et de nombreux traités religieux, connus pour nos naissances nobles et nos exploits incomparables, ne nous tiendront pas du coté de la queue du Serpent, ce membre sale et défavorable! Après que leur chef ait parlé, les démons se retirèrent à l'écart les bras fièrement croisés. Les dieux changèrent alors de place et saisirent la queue de Vasuki.

Cependant, à peine le barattage commença-t-il qu’entraînée par son poids, la montagne d'or coula. A nouveau forcé d’intervenir, Vishnou se manifesta sous la forme d'une gigantesque tortue (1). Il plongea dans les profondeurs de l'océan et rapporta la montagne placée sur sa carapace. Ainsi soutenue, celle-ci ne bougea plus et le barattage reprit. C’était merveille que de voir ces êtres fabuleux, immenses et invincibles, suer, chanter, rugir, offrir le meilleur d'eux-mêmes pour obtenir le fameux nectar. Tourmentés par les flammes et la fumée jaillissant des mille yeux et des mille bouches du roi des serpents, les démons ressemblaient à de grands arbres captifs d’un incendie de forêt, alors que des averses nées des vagues de l'océan tumultueux rafraîchissaient les dieux. Bleu et sombre comme une nuée d'orage, vêtu d'or brillant et de boucles d'oreilles aveuglantes, Vishnou appuyait sur le sommet de la montagne afin de la stabiliser. Simultanément il pénétrait les dieux de sa nature sattvique, les démons de sa nature rajasique et le Serpent de sa nature tamasique (2) !

Les Asuras tiennent la tête et les Devas la queue
Après mille ans d’efforts Kâlakûta, le plus terrible des poisons né de la concentration de toutes les impuretés créées par le barattage s’éleva telle une nuée de ténèbres effervescentes. Intolérable comme de l'acide, le nuage empoisonné mordit toutes les directions de l'espace, menaçant de réduire l’univers en cendres. Mortellement effrayés les Devas, les Asuras et les humains implorèrent l’aide de Shiva :

- Ô Dieu des Dieux supplièrent-ils, âme de tous les êtres! Toi le mystérieux Brahman, la source des Vedas, l'ego cosmique, le temps, la volonté créatrice, la vérité, l'ordre, la droiture! Le feu est ta bouche, la terre tes pieds, le temps ton mouvement ! Ô toi, âme des dieux! Le vent est ton souffle, les luminaires tes yeux, l'eau ta semence, la mer ton ventre, le ciel ta tête, les montagnes tes os, les plantes et les herbes tes cheveux, toi qui soumit le dieu de la mort sauve-nous de ce poison qui dévore les trois mondes! 

Ainsi sollicité, Shiva sourit et adressa ces paroles à la Déesse :
- Vois Bhavani quelle calamité s’abat sur les mortels! Sans doute me revient-il de les sauver car la protection des affligés est le devoir des puissants ! Les saints ne sauvent-ils pas la vie des êtres en sacrifiant la leur qu'ils savent impermanente et transitoire ? Ayant ainsi parlé il descendit du Mont Kailās, s’agenouilla sur les rives de l’océan et but le poison. Kâlakûta portait en lui tant de pouvoir destructeur que la gorge du dieu des dieux se teinta de bleu (3). L'infime quantité de liquide qui s'échappa de sa main fut récupérée par les scorpions, les plantes et les herbes empoisonnées, les serpents venimeux et les animaux aux méchantes morsures.

Le barattage de la mer de lait reprit avec une vigueur renouvelée et les merveilles promises jaillirent enfin : on vit paraître Surabhi, la vache qui comble les vœux et les souhaits, mère du lait et du beurre clarifié indispensables aux oblations sacrées. Elle fut allouée aux Brahmanes. Bali se saisit promptement du cheval fabuleux appelé Uccaihsravas, l’ancêtre de tous les chevaux, mais Airavata, le majestueux éléphant blanc armé de quatre défenses semblables à des cimes montagneuses fut accordé à Indra.
Kaustubha, le rubis mystique justement nommé le trésor de l'océan car il représente le joyau de la conscience purifiée, alla orner la poitrine de Vishnou. Parijata, l'arbre céleste qui confère tous les objets désirés par les suppliants revint aux humains. La lune, le radieux astre de la nuit fut offerte à Shiva qui l’accrocha à sa chevelure. Parées de colliers d'or, magnifiquement vêtues, les apsaras parurent et ensorcelèrent les habitants du ciel de leurs allures charmantes et de leurs regards envoûtants.

Alakshmi, la déesse du malheur appelée Jyestha l'aînée car née juste avant sa sœur émergea des flots. Elle fut confiée à un sage nommé Dhushasa qui jura de l’emmener partout où règnent l'injustice, l'impiété et l'ignorance.

Lakhsmi
Née de l’océan baratté la splendeur de Lakshmi illumina alors l'univers. Reconnaissant la mère des trois mondes, les dieux, les démons et les humains la désirèrent ardemment! Indra lui offrit un superbe trône et le printemps les fruits et les fleurs qui lui appartiennent. Les sages prescrivirent les rites nécessaires à ses ablutions. 

Les Gandharvas (4) entonnèrent des chants auspicieux et les apsaras dansèrent. Soulevant de leurs trompes des cruches d'or emplies des eaux de tous les fleuves de la terre, les éléphants qui supportent les quatre coins du monde baignèrent la Déesse. Son bain achevé l'océan la revêtit de soieries. Sarasvatî, la déesse des arts et de la connaissance orna son cou de cygne d’un collier de perles. Brahmâ lui remit un lotus et des boucles d'oreilles.

Lakshmi à la taille fine et aux admirables seins parfumés de santal saisit alors une guirlande de lotus bleus et se mit en quête d'un mari. Elle le souhaitait pur et éternel, doté de toutes les vertus, mais ne le trouva pas dans l'assemblée qu'elle parcourut au son léger des grelots attachés à ses chevilles.
- En vérité réfléchit-elle, les ascètes sont incapables de contrôler leur colère. Beaucoup d’hommes sont droits, mais la compassion leur manque et leur générosité ne mène pas à la libération finale. Certains sont preux et virils mais le temps les vaincra. Si d'autres jouissent d'une longue vie ils ne sont pas d'une nature à être aimé des femmes. Une épouse n'a pas sa place dans la vie d’un sage qui médite constamment. Jupiter et Vénus sont justes, mais n'ont pas vaincu l'attachement. La Lune et Brahmâ sont grands mais la luxure les possède. Indra est incapable de se défendre seul. Siva est immortel, aimable à souhait, mais il n'est pas auspicieux puisqu’il hante les lieux de crémation. Qui plus est, étant éternellement satisfait, il n'a rien à faire de moi. Arrivée à cette conclusion elle choisit Vishnou comme époux, excellent en toutes choses, indépendant et sans désir, maître des pouvoirs spirituels, qui ne la négligera pas même s'il est immergé dans une béatitude éternelle, car la protection de l'univers lui revient. Comblés de ses regards les dieux brillèrent d'une nature vertueuse et connurent la félicité. Ignorés d'elle les démons devinrent voluptueux, indolents, sans  honte et sans pudeur. Lorsqu’apparut Varuni, la déesse du vin, ils s'en saisirent.

Ce fut enfin le tour de Dhanvantari, le père de la médecine à la poitrine large, aux yeux rouges, à la peau bleue et à l’allure d’un lion. Il  portait la jarre débordante d’amrit ! Dès qu’ils l’aperçurent, les démons lui enlevèrent et se battirent entre eux pour sa possession. Quatre gouttes du précieux liquide furent renversées et tombèrent en ces lieux sacrés qui devinrent les sites des khumba melas (5) : Allahabad, Ujjain, Nasik et Hardwār.

Mohini
Les dieux se souvinrent des instructions de Vishnou et se gardèrent d’intervenir. Le chaos était à son comble quand une femme d'une sensualité sublime se manifesta. Sa taille fine soulignait la lourdeur de ses seins, une magnifique ceinture accentuait la courbure de ses hanches, des guirlandes de fleurs parfumées nouaient la masse luxuriante de ses cheveux. Ses sourires irrésistibles jetèrent le trouble chez les Asuras en pleine dispute pour la possession du nectar. Ils coururent à elle, la harcelèrent de questions sur elle-même, ses parents et sa famille, puis aveuglés par la passion lui proposèrent de distribuer le nectar. Sans cesser de les charmer de ses regards fascinants, Mohini répondit :
- Comment? Vous, les fils du grand Kashyapa êtes prêts à vous associer à une femme changeante et capricieuse telle que moi? Ô ennemis des dieux! L'amitié d’une femme libertine toujours en quête de nouvelles victimes est semblable à celle des loups! Elle est momentanée et on ne peut lui faire confiance! Rassurés par ces paroles les démons sourirent et lui tendirent la jarre de nectar, mais l’enchanteresse posa alors ses conditions:
- Si vous acceptez de m’obéir en tout avertit-elle, sans discuter mes décisions que vous pensiez que j’ai tort ou raison, alors seulement accepterai-je de distribuer l'amrit!
Incapable d’appréhender le sens caché de son discours, les Asuras répondirent ensemble : Qu'il en soit ainsi!

Les dieux et les démons jeûnèrent et se baignèrent. Ils offrirent des oblations au feu, distribuèrent des aumônes aux brahmanes et récitèrent des versets des écritures sacrées. Ils s’installèrent dans une vaste salle parfumée d'encens et illuminée de milliers de lampes. Mohini s’avança la jarre de nectar posée sur une hanche. Vêtue de soieries chatoyantes, elle ondulait voluptueusement. Sa brassière glissa et l’on vit ses seins nus danser au rythme de ses bracelets d'or. En premier elle servit aux dieux le nectar qui prévient l'âge et la mort. Emplis de désir, considérant au-dessous de leur dignité de se disputer avec une femme, les Asuras n’osèrent protester.

Svarbhānu était un démon plus fin et pour tout dire moins lubrique que les autres ! Il sentit que quelque chose n’allait pas. Il assuma subrepticement l'aspect d'un dieu et se glissa dans leurs rangs juste entre le Soleil et la Lune. Malheureusement pour lui les luminaires le dénoncèrent et avant qu’il ait pu faire un geste, Vishnou lui trancha la tête de son chakra (6) étincelant. Mais il était trop tard, ayant déjà consommé l'amrit, le démon était devenu immortel ! C’est depuis lors qu’en quête de vengeance, Rahu et Ketu, la tête et la queue du serpent assaillent les deux luminaires lors des nouvelles et des pleines lunes et sont ainsi la cause des éclipses. Toujours victorieux Rahu les avale goulûment, mais à chaque fois ses ennemis s’échappent par la plaie béante de son cou.

Les dieux ayant bu jusqu’à la dernière goutte de l’amrit, Mohini l’enchanteresse montra son vrai visage, celui de Vishnou le maître des illusions! Ainsi, quoique les Asuras et les Devas aient travaillé conjointement, il y eut divergence dans la récolte des fruits obtenus. De même, futiles sont les actions qu’entreprennent les hommes inspirés par l’égoïsme. Parce qu'ils s’étaient détournés de la vérité, les démons n’obtinrent pas leur part de nectar ! Vishnou monta sur le dos de l'aigle Garuda, sourit et disparut.

Frustrés, brûlants de colère, les Asuras se jetèrent alors sur les dieux. Ceux-ci, leurs forces décuplées par l'amrit se défendirent vaillamment. Ce jour là sur les rives de l'océan de lait se livra la plus terrible des batailles. Utilisant toutes sortes d'armes, dans le tumulte terrifiant des conques, des trompettes, des barrissements d'éléphants, au rythme des tambours et des damarus (7), montés sur des chevaux, des chameaux, des éléphants, des chars de combats, des ânes, des ours à faces blanches, des tigres et des singes, des vautours, des grues, des faucons, des bisons, des rhinocéros, des taureaux, des buffles, des requins et des animaux fabuleux, les deux camps se jetèrent l'un sur l'autre comme deux océans hérissés de drapeaux, d'ombrelles blanches aux manches ornés de diamants, de plumes de paon, de turbans flottant au vent, d'armures et d'ornements éblouissants. Bali créa une terrible illusion, une montagne apparut au-dessus de l'armée céleste et il en tomba des arbres enflammés, des rochers aiguisés comme des rasoirs, des serpents, des scorpions, des lions et des tigres, des ours si lourds qu'ils écrasaient les éléphants! Des ogresses entièrement nues armées de lances et accompagnées de multitudes de Rakshasas (8) se jetèrent dans la mêlée. Des vents formidables et des feux semblables à celui de la dissolution soufflèrent sur le champ de bataille. Mais les dieux avaient bu le nectar et quoique les démons effrayants et rusés, maître des arts occultes et dénués de peur se battirent courageusement, leurs adversaires maintenant immortels finirent par triompher!

Ainsi les Devas réintégrèrent les cieux d’où ils avaient été chassés. Les Asuras tombés au combat furent ressuscités par leur gourou et Bali, le plus sage d’entre eux, indifférent à la défaite, se retira dans les mondes souterrains en attendant que son heure sonne à nouveau.

(1) Kurma avatara, la tortue le second avatar de Vishnou.
 
(2) Sattva, Raja et Tama sont des Gunas c’est-à-dire des qualités attachées aux actions, à leurs motivations et à leurs buts. Sattva  est associé à la  sagesse, au détachement, à la paix et au contrôle des sens. Raja figure l'activité frénétique, l'énergie dépensée pour satisfaire les passions, la pensée et les émotions. Tama représente la passivité, la densité, l’obscurité et l’ignorance.
 
(3) Shiva est appelé Neelkanth Mahadev, le grand Dieu à la gorge bleue.
 
(4) Les Gandharvas sont des musiciens célestes
 
(5) Pèlerinages géants rassemblant des millions de dévots. Leurs occurrences (tous les 3 ans avec une alternance des 4 lieux) sont calquées sur les transits de Jupiter en signes fixes (Taureau, Lion, Scorpion, Verseau) en astrologie sidérale.
 
(6) Sudharshana Chakra qui représente l’écliptique (qui coupe l’orbite lunaire et crée ainsi Rahu et Ketu) est l’arme personnelle de Vishnou. Il a la forme d’un disque aux 108 dents excessivement tranchantes. 108 est un des nombres clefs de la numérologie hindouiste car il représente la totalité de l’existence. Il est très présent en astrologie védique puisque 12 signes X 9 planètes (le premier septénaire plus Rahu et Ketu aussi appelés Chaya Grahas ou planètes d’ombre par les Hindous) font 108. Les 27 maisons lunaires quant à elles se subdivisent en 4 parties (4 X 27 font 108).
 
(7) Tambours à deux peaux en forme de sablier
 
(8) Les Rakshasas sont des démons changeurs de forme, distincts des Asuras avec lesquels ils s’allient pour l’occasion. Leur roi Ravana fut tué par Rama la septième incarnation de Vishnou, ce qui constitue l’argument du célèbre Ramayana. Rama est dit descendre en droite ligne du Soleil.

CENTILOQUE

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Extrait :


1- N°5 : caractère et destinée.


« L’astrologie dévoile les relations intimes qu’entretient le caractère avec la destinée. La destinée d’un individu est l’expression de son caractère ».


Le mot caractère nous vient du grec « kharaktêr », qui signifie un signe gravé. Il signifie également ce qui est propre à une chose, son expression personnelle, son originalité. Par extension, le caractère définit l’ensemble des traits psychiques propres à un individu.


Le caractère se rapporte à la fois à l’expression originale d’un individu et à son thème astral, le signe gravé dans les cieux, qui nous représente et nous définit.


Le caractère est au départ cette infime portion de nos êtres, qui échappe au grand nivellement imposé par l’hérédité et par l’environnement de naissance (racial, familial, social et culturel). Il est ce qui nous rend unique. Au travers de ce petit germe de liberté, la nature développe en nous, patiemment, l'espritla sagesse, le pouvoir et l’amour.


Le terme de destinée est aussi riche en enseignements : il est à la racine du mot destination qui signifie le rôle, l’usage.


Le concept de destinée implique une fonction à remplir. Le caractère actualise la destinée, c’est-à-dire le rôle que nous avons à jouer dans cette existence, un rôle qui n’est pas imposé: on continue à confondre astrologie et fatalisme, on fait d’elle le chantre du c’était écrit, comme si sa fonction se bornait à décrire une destinée transformée en fatum, en une fatalité inéluctable à laquelle nul ne pourrait échapper. C’est tout à fait le contraire, puisque l’astrologie n’a de sens que si elle nous permet d’agir sur la destinée.